Jérôme Pirali, rampiste depuis 40 ans, souhaite perpétuer un métier rare
1 Déc 2022
Entreprises Maine-et-Loire
La ferronnerie d’art regroupe plusieurs spécialités dont celle de rampiste, activité professionnelle exercée par Jérôme Pirali depuis 40 ans. Originaire de la région parisienne, il s’est installé en Anjou en 2007 et travaille dans un atelier de la Communauté de Communes Anjou Loir et Sarthe à Durtal. Passionné par son métier, Jérôme Pirali nous en propose un tour d’horizon...
Anjou Maine Découvertes : Pourriez-vous nous expliquer la notion de rampiste dans la ferronnerie d’art ?
Jérôme Pirali : J’exerce le métier de rampiste qui est une spécialité parmi d’autres de la ferronnerie d’art. Il y a aussi les forgerons qui font de la forge et les métalliers qui fabriquent des portails et des clôtures. Le terme de rampiste était courant au début du 20ème siècle et il s’est peu à peu perdu du simple fait que c’est un métier en voie de disparition. Au fil des générations, l’activité a connu une baisse du nombre d’artisans rampistes et nous sommes très peu nombreux à l’exercer aujourd’hui.
AMD : En quoi consiste votre travail ?
JP : Je conçois des rampes que l’on appelle débillardées. C’est un terme technique qui indique la réalisation de virages sur un escalier tournant. Faire une rampe sur un escalier droit est à la portée de tous les ferronniers, même des débutants. Dès qu’il y a un virage, les difficultés sont réelles et cela explique que l’on soit peu nombreux sur le marché, une petite dizaine au maximum.
A 10 ans, je me souviens que j’allais bricoler avec mon père dans son atelier.
AMD : Quand avez-vous démarré votre carrière ?
JP : Je suis né dans la marmite car mon grand-père était déjà rampiste et mon père a pris la suite. A 10 ans, je me souviens que j’allais bricoler dans l’atelier avec lui et quelques années plus tard, j’ai fait un BEP-CAP de métallerie. Même si mon professeur m’a incité à poursuivre mes études, à 17 ans j’avais envie de travailler. J’aurais pu commencer avec mon père mais il m’a dit d’aller voir comment les choses se passaient à l’extérieur. J’ai donc travaillé pendant quatre ans dans une autre structure et après mon service militaire, j’ai rejoint l’entreprise familiale dans laquelle mon père m’a formé pendant six années. En 1990, il a pris sa retraite et j’ai repris la société avec mon frère.
AMD : Où était implantée cette entreprise familiale ?
JP : Nous étions à Neuilly-Plaisance dans le département de la Seine-Saint-Denis en région parisienne. En 2006, je suis arrivé en Anjou, dans la commune des Rairies. J’ai acheté un corps de ferme où j’ai installé mon atelier. En 2017, j’ai emmenagé dans un nouvel atelier à Durtal.
AMD : Pourquoi ce choix compte-tenu que les deux communes sont proches ?
JP : En fait, il s’agit d’un atelier-relais qui appartient à la Communauté de Communes Anjou Loir et Sarthe. Même si j’avais la possibilité d’en devenir propriétaire, j’ai opté pour la location. Les ateliers-relais facilitent l’implantation des petites entreprises et permet au tissu économique local de se maintenir et de croître. Les loyers sont modérés, la superficie de 138 m² avec le bureau est intéressante, ce qui permet de se développer sans grosses contraintes.
AMD : Revenons sur le choix de l’Anjou. Quels paramètres vous ont conduit à venir vous installer dans ce département ?
JP : La vie parisienne propose des avantages mais aussi des inconvénients. Nous avions envie de changer d’air et de vivre différemment. Nous avons visiter quelques propriétés dans la Sarthe mais le hasard nous a amené à choisir un corps de ferme sur la commune des Rairies, en dehors du village. Ça a été un vrai coup de coeur avec en plus, le gros avantage d’être à cinq minutes de l’entrée de l’autoroute. Lorsqu’on se déplace régulièrement sur Paris et sa région, c’est un atout majeur.
AMD : Quelles sont les qualités requises pour exercer le métier de ferronnier d’art, spécialiste en rampe d’escalier ?
JP : Surtout de la volonté. Il faut énormément regarder pour apprendre, et comme pour tous les métiers manuels, il est indispensable de s’entraîner. Avoir de l’envie, ne pas se décourager et ne pas compter ses heures. Quand je pars en déplacement en région parisienne où j’ai plusieurs chantiers dans l’année, il m’arrive de démarrer à 4h30. Je pose la rampe dans la journée, ce qui me fait parfois rentrer à 22h00. Le lendemain, je suis à l’atelier à 8h00 pour travailler sur la commande suivante.
Reportage réalisé par Anjou Maine Découvertes & Entreprises
AMD : Comment voyez-vous l’avenir de cette profession ?
Jérôme Pirali : C’est un métier qui est devenu rare pour diverses raisons. Même si les écoles proposent des formations en métallerie, il n’y a pas de spécialité rampe d’escalier. De plus, c’est un métier fatiguant, voire usant, et qui n’est pas rémunéré à sa juste valeur. Mais l’intérêt de cette profession, c’est la diversité proposée grâce à des chantiers tous différents les uns des autres. On travaille pour des particuliers où la rampe est nécessaire dès lors qu’il y a un étage. Parmi nos clients, il y a aussi les entreprises qui ont des marchés d’État, ce qui m’a permis de travailler au Sénat, à l’Assemblée Nationale, à l’ancienne Bibliothèque Nationale, ou encore au Ministère des Finances. Ces entreprises n’ont pas le personnel qualifié pour les rampes d’escaliers débillardées, de ce fait, elles m’appellent pour réaliser ces travaux spécifiques.
AMD : Quelles sont les étapes nécessaires avant la pose d’une rampe d’escalier chez vos clients ?
JP : Ayant choisi de mettre les tarifs du mètre linéaire pour chaque modèle de rampe sur mon site internet, je n’ai plus besoin de me déplacer pour faire des devis. Les clients m’envoient une photo de leur escalier et grâce au nombre de marches, je calcule le métrage. Pour les parties droites, le client me donne la mesure. Il peut ainsi estimer l’enveloppe budgétaire nécessaire que je confirme une fois toutes les données réunies. Lorsque le client s’est décidé, je me déplace sur le chantier pour faire le gabarit. Tout cela permet un gain de temps et d’argent.
C'est un métier devenu rare et qui n'attire plus les jeunes.
AMD : Parmi l’ensemble de vos chantiers, certains restent dans votre mémoire ?
JP : Le plus gros de mes chantiers, je l’ai réalisé à Vélizy-Villacoublay avec 80 mètres de rampes d’escalier. J’ai travaillé avec un menuisier qui s’est chargé de faire la main courante en bois. Récemment, j’ai eu huit cages de huit étages avec quatre virages à l’étage, ce qui correspond à environ 500 mètres de mains courantes. Un beau travail réalisé sur une période d’un an et demi. Le chantier le plus inédit remonte à un peu plus de vingt ans. Un architecte m’avait appelé pour que je fasse une rampe pour la résidence de l’ambassadeur de France en poste en Ouganda. Il y avait seulement trois mètres de rampe. Il m’a fallu partir une semaine car il n’y avait qu’un seul avion hebdomadaire. Pour l’occasion, j’ai dû confectionner une caisse spéciale pour emmener tout mon matériel afin de faire le débillardage sur place. Cette caisse est partie par bateau un mois plus tôt. On a failli avoir quelques problèmes pour le dédouanement mais tout s’est bien passé et j’ai eu du temps pour profiter du pays car le chantier ne m’a pris que deux heures !
AMD : A deux ans de votre retraite, quelle solution envisagez-vous pour votre entreprise ?
JP : Grâce à la Chambre des Métiers, j’ai monté un dossier de candidature «Maître d’art» où trois conditions sont nécessaires, à savoir qu’il s’agisse d’un métier rare, plus enseigné en école et trouver un élève qui a déjà quelques notions dans le métier. Toutes ces conditions étant réunies, le dossier a été envoyé à l’Institut National des Métiers d’Art. La prochaine étape est la présélection, puis un oral en juin. La décision finale sera prise au mois d’octobre pour démarrer en janvier 2023. Ensuite, il s’agira d’enseigner le savoir et l’élève devra perpétuer ce savoir. Cela m’engage pendant trois ans à un enseignement subventionné par le Ministère de la Culture. Au bout de ce délai, l’élève rachète généralement l’entreprise.
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