YVES BOUZEAU, la tête au plus près des étoiles avec son puissant télescope !
9 Déc 2022
Passion d'une vie
Par un soir sans Lune, loin de la pollution lumineuse, l’astronome amateur Yves Bouzeau se prépare à l’observation du ciel profond. Il contemple régulièrement la voûte céleste, parfois en solo, souvent en tant qu'animateur. Rencontre avec un personnage tout aussi hors norme que son télescope...
Anjou Maine Découvertes : A quand remonte vos débuts en astronomie ?
Yves Bouzeau : J’ai pris le relais d’un membre de la famille qui, quand il était jeune, s’intéressait beaucoup au ciel, aux étoiles, aux constellations. Il connaissait tout ça par coeur mais lorsqu’il m’en parlait, je ne m’en intéressais pas. Au bout de quelques années, il s’est finalement demandé l'intérêt qu'il avait à connaître le nom des étoiles. Il a considéré que cela ne lui apportait plus grand-chose et il a cessé cette activité. Plus tard, sachant que j’ai toujours été curieux par l’aspect technique du matériel, je me suis penché sur le fonctionnement des lunettes astronomiques et des télescopes. En 2003, suite à une prime obtenue à mon travail, j’ai voulu franchir le pas et j’ai acheté mon premier télescope. Il avait un miroir d’un diamètre de 114 mm et une focale de 900, un modèle populaire pour tous ceux qui se lancent en astronomie.
AMD : Que pouviez-vous observer avec ce télescope ?
YB : C’était un instrument motorisé avec raquette de commande et fonction GoTo. Il m’a permis de découvrir les cratères de la Lune et les planètes. En revanche, ce n’était pas l’idéal pour les nébuleuses et les galaxies lointaines. Je me souviens avoir mis trois ans pour localiser une petite nébuleuse planétaire grâce à ce que l’on appelle la vision décalée.
"Pour moi, c'est le plaisir de faire plaisir."
AMD : N’étiez-vous pas frustré de ne pas voir ces objets du ciel profond ?
YB : C’est vrai qu’après cinq années d’observation avec ce petit télescope, je cherchais à en voir davantage et en 2008, j’ai pris la décision d’acheter un appareil beaucoup plus gros, un télescope doté d’un miroir de 280 mm. Évidemment, ça changeait la vie surtout que j’observais dès que j’en avais l’occasion sur ma terrasse ou dans mon allée. La différence avec mon premier télescope était énorme. La Lune et les planètes offraient plus de détails et je découvrais enfin des objets du ciel profond, à savoir des amas d’étoiles, des nébuleuses et des galaxies.
AMD : Une satisfaction qui allait vous permettre d’en profiter sur le long terme ?
YB : En fait, je suis gourmand, avec l’appétit féroce d’en voir toujours plus. La frustration est forcément présente dès lors que l’on sait qu’il y a plein d’objets célestes qui pourraient se dévoiler. Alors, au bout de quatre ans, je me suis décidé à acheter un autre télescope que j’ai commandé en juin 2012. Il s’agissait cette fois d’un 600 mm entièrement fabriqué sur mesure par un artisan français. J’ai dû patienter durant un an et demi avant de le recevoir. Puis il m’a fallu concevoir une remorque adaptée pour le transporter. Tout cela a pris du temps car je devais penser à tous les détails comme ajouter des rails et un treuil pour descendre et monter le télescope. Une vraie aventure !
AMD : Que vous apporte-t-il de plus ?
YB : J’avais établi un cahier des charges avant de décider du diamètre du miroir. J’y avais listé la Lune avec la possibilité de voir des détails sur sa surface, les planètes telles Jupiter et Saturne, mais c’était surtout pour le ciel profond. La quantité de lumière recueillie par un 600 mm permet l’observation d’objets célestes de très faible luminosité. Enfin, j’avais envisagé de prendre des photos du ciel, ce que l’on appelle couramment l’astrophotographie.
AMD : Les résultats escomptés ont-ils été à la hauteur de vos espoirs ?
YB : Pour la photographie, pas vraiment. En fait, je me suis aperçu que je n’étais pas du tout astrophotographe mais que mon plaisir était le visuel parce que je suis un contemplatif du ciel. J’ai quand même réalisé quelques jolies photos de quelques nébuleuses planétaires et d’amas d’étoiles globulaires.
AMD : Observez-vous en solitaire ou en groupe dans un club ?
YV : Lorsque j’ai acquis le 280 mm, je me suis rapproché du Club d’Astronomie de l’Université du Mans et j’ai participé à la Nuit des Étoiles en tant qu’adhérent. Par la suite, il est évident que le 600 mm a eu beaucoup de succès. Il y avait énormément de monde derrière le télescope car il suscitait de la curiosité et beaucoup de questions. Les gens le photographiaient. Certains allaient même jusqu’à filmer lorsque je le descendais de la remorque. C’était forcément très plaisant de répondre aux interrogations du public et de partager ma passion.
Yves Bouzeau scrute le ciel avec son télescope de 600 mm tout au long de l'année
AMD : Hormis les animations aux Nuits des Étoiles, proposez-vous d’autres soirées astronomiques ?
YB : Petite anecdote amusante, lors d’une Nuit des Étoiles organisée à la Plaine du Verger au Mans, j’ai discuté avec un autre passionné mais sans m’attarder car il y avait des dizaines de personnes à attendre leur tour. C’était un vendredi soir. Le lundi suivant, en lisant le journal, je découvre dans un coin de celui-ci que la Communauté de Communes du Pays Fléchois organisait une soirée astronomie à Thorée-les-Pins le soir même. Aucun nom de club n’était mentionné, ce qui m’a incité à y aller. J’avais pris soin de mettre mon 280 mm sur la banquette arrière de ma voiture et en arrivant, qui vois-je ? La personne avec qui j’avais discuté trois jours plus tôt. C’était lui l’animateur. Comme quoi le hasard fait parfois bien les choses... Depuis, nous sommes devenus de grands amis et nous animons ensemble plusieurs soirées dans l’année, soit pour des collectivités, soit pour des associations.
AMD : Comment se passent ces soirées ?
YB : Par définition, les gens qui participent à ces soirées ne sont pas forcément passionnés mais viennent plutôt par curiosité. Notre rôle est d’évoquer quelques principes de base en astronomie avec des mots simples. On apporte même un ballon de basket et une balle de tennis pour expliquer le phénomène des éclipses de Lune et de Soleil, le ballon de basket étant la Terre, la balle de tennis, c’est la Lune et on prend une personne dans le public pour représenter le Soleil. C’est très convivial et on embarque le public rapidement grâce à notre enthousiasme et à notre passion.
"La nébuleuse d'Orion est la star des nuits d'hiver pour tous les amateurs."
AMD : Côté matériel, vous vous déplacez avec quels types de télescopes ?
YB : La plupart du temps, je viens avec mon 600 mm, et l’ami en question vient avec deux télescopes, un 280 mm et un 200 mm. Cela permet au public d’aller crescendo dans les observations. Nous avons un grand bonheur à mettre notre matériel et nos connaissances à disposition des gens qui s’inscrivent aux soirées de découverte du ciel. Pour moi, c’est le plaisir de faire plaisir. Quand je vois un monsieur, une dame ou un enfant regarder derrière l’oculaire et s’exclamer de joie par un «Waouh», j’ai gagné ma soirée ! L’astronomie nous procure de fortes émotions. C’est pour cette raison que nous partageons notre passion.
AMD : Des exemples d’observations au 600 mm ?
YB : Ce genre de diamètre nous donne de la profondeur et de la couleur que ne procurent pas les plus petits diamètres. Quand vous observez M17, la nébuleuse du Cygne, le 17ème objet du catalogue de Charles Messier, on a une impression de 3D, un peu comme si nous allions plonger dans les parties les plus sombres. Je peux aussi mentionner les Dentelles du Cygne qui nous permettent une fabuleuse balade dans les nuages de gaz. Bien sûr, durant l’hiver, c’est M42, la nébuleuse d’Orion qui est la grande star avec des détails impressionnants. Tout cela est bien sûr à des distances phénoménales, ce qui nous invite à considérer que nous sommes vraiment petits face à cette immensité qui n’en finit pas.
AMD : Ressentez-vous les mêmes émotions lorsque vous observez seul dans votre jardin ?
YB : Laissez-moi vous avouer quelque chose. Quand je suis sur mon escabeau en train d’observer, je me sens totalement en connexion avec le ciel. Il y a quelque chose entre la Terre, la Nature et le Cosmos. En tout cas, ça ne peut qu’interpeller.
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