Aline Bouillault, un accompagnement sur mesure des familles
6 septembre 2023
Services aux personnes
Voyageuse dans l’âme, Aline Bouillault est née à Angers, a grandi à Clefs et a fait toute sa scolarité à La Flèche jusqu’à l’obtention du bac. Elle a fait quelques parenthèses en Europe puis en Afrique pour des projets humanitaires au Sénégal et au Maroc. Depuis, Aline s’est posée non loin de Notre-Dame-du-Pé dans une propriété où la quiétude et l’épanouissement sont aux rendez-vous.
Anjou Maine Découvertes : Que vous ont appris vos séjours en Afrique ?
Aline Bouillault : J’ai retenu les techniques de portage utilisées par les femmes africaines. Elles sont aujourd’hui de plus en plus pratiquées chez nous, à la fois par les mères mais aussi par les pères. Depuis plusieurs années, les neurosciences permettent de mieux comprendre les aspects positifs du portage. Le simple fait des odeurs partagées, que l’enfant se sente rassuré ou qu’il puisse se cacher. Beaucoup de parents mettent leur bébé sur une balancelle en ayant l’impression qu’ils font bien mais des expériences ont montré que l’impact n’était absolument pas le même entre un bébé porté et un bébé posé sur une balancelle, et cela est déterminant à plusieurs égards pour son avenir.
AMD : Que pensez-vous des choix de vie de la plupart des couples ayant un ou des enfants ?
AB : Pour la grande majorité des couples, ils sont dans une volonté de travailler tous les deux. Ils ont l’impression de ne pas avoir d'autres choix, cela pour des raisons financières. Les gens se mettent des contraintes relatives aux besoins d’argent mais finalement, ça dépend de la façon dont ils consomment. Faut-il nécessairement avoir le dernier 4x4, emmener les enfants au restaurant, au laser game ou toute autre activité chaque week-end ? Beaucoup de personnes pensent que c’est indispensable tant que ça répond à leurs besoins, mais qu’en est-il des besoins réels du bébé ou de l’enfant ? Finalement le confinement a aidé des mamans et des papas à se poser cette question.
AMD : Revenons à vos voyages. Avez-vous un souvenir particulier, une anecdote à raconter ?
AB : Lors de mon séjour au Maroc, je me suis retrouvée dans un village berbère pendant cinq mois et la population ne parlait que la langue maternelle. En tant qu’Occidentale, j’avais accès au monde des hommes et à celui des femmes mais j’étais dans la difficulté de ne pas être dans la compréhension exacte de ce qu’il se passait autour de moi. Je me trouvais ainsi dans un sentiment profond de solitude et finalement, d’aller à la rencontre de soi tout en étant obligée d’aller à la rencontre de l’autre. Âgée de 22 ans à l’époque, et faisant partie de la communauté des adultes, j’étais dans l’obligation de créer du lien et j’étais en charge des enfants au même titre que les autres personnes. Il a donc fallu dépasser la barrière de la langue et la façon de communiquer a été très enrichissante. Cela m’a probablement permis d’acquérir des compétences favorables dans le cadre de ma vie professionnelle.
"Je suis passionnée par tout ce qui a trait aux sujets de la parentalité, de la grossesse, de l’enfance, de la famille, des rapports humains"
AMD : Après toutes ces découvertes au-delà de nos frontières, qu’avez-vous compris ?
AB : Les voyages m’ont énormément appris. J’étais dans un besoin constant de tenir un bébé dans mes bras, de discuter avec un parent. Lors des rencontres, j’allais sans cesse piocher des idées sans avoir pourtant l’impression d’aller les chercher. Mon regard était attiré par un comportement, une attitude, une technique, par l’enfant en général. Avec le temps, j’ai compris que d’être dans l’observation de ce qu’il se passe pour l’autre, c’est la clé d’un monde qui tourne correctement. Aujourd’hui les gens ne prennent même plus le temps d’observer comment vont leurs partenaires, leurs enfants, leurs collègues.
AMD : Vous faites ce constat avec les familles que vous suivez ?
AB : La question de la connexion entre les individus se pose dans toutes les familles qui viennent à moi. Parfois, il s’agit seulement d’un membre qui va se déconnecter. J’ai l’exemple d’une famille composée de deux parents et de deux enfants et il s’avère qu’ils ne font pas famille. Ce sont quatre individus isolés qui vivent sous le même toit mais qui ont arrêté de s’observer. Le simple fait de se dire «Bonjour, ça va ? Oui ça va» est révélateur. Ils se mettent en fonction pilote automatique. En résumé, personne n’a besoin de demander aux autres comment ils vont, ils n’ont plus besoin de savoir s’ils vont bien.
AMD : Comment se passe l’accompagnement aux familles ?
AB : Je vais être dans l’observation de la posture, de l’intensité avec laquelle ils parlent, des mots qu’ils vont employer. Le corps parle tellement que dès le début de certains accompagnements, je sais que je vais avoir un récit de viol ou un récit d’enfant maltraité. Dans ce qu’ils transmettent, je vais savoir.
AMD : Que s’est-il passé au sein de notre société ?
AB : Aujourd’hui, nous avons totalement oublié que nous étions des mammifères. La nudité est devenue un problème. On le rencontre en particulier sur la question de l’allaitement où beaucoup pensent qu’il ne faut pas allaiter devant les gens. Sur la question de la naissance aussi où l’on a dit aux femmes qu’il ne fallait surtout pas qu’elles accouchent seules, que c’était un grand danger pour les bébés. Pourtant, dans de lointaines contrées, beaucoup de femmes accouchent seules. Auparavant, les mères aidaient leurs filles à devenir mères. Il y avait aussi une vraie entraide entre les hommes. C’est ce qu’il se passe chez de nombreux peuples à travers le monde. Ils sont en fait des modèles d’éducation et de liens existant entre les générations, ce qui empêche toutes les dérives que l’on connaît aujourd’hui dans notre monde occidental.
AMD : Vous parlez souvent d’autonomie de l’enfant. Pourquoi ?
AB : Aujourd’hui, on demande à un nourrisson de dormir seul dans un lit dès le premier jour de la naissance. Cela démontre un objectif, celui qu’à l’âge de deux mois et demi ce bébé puisse être mis partout et qu’il ne fasse pas de bruit. Alors que, de façon naturelle comme c’est le cas chez les peuples chasseurs-cueilleurs, les enfants collaborent à la vie communautaire. Certains très jeunes sont laissés seuls avec néanmoins quelqu’un qui le suit non loin mais qui le laisse autonome. L’apprentissage est de le laisser prendre des décisions sans lui demander de faire, mais d’être au service de l’enfant sans le rendre dépendant.
AMD : Pourquoi cela ne se passe pas de cette manière chez nous ?
AB : Pour ma génération et même celle d’avant, les parents n’étaient déjà plus là. Il n’y a pas eu de transmission. De plus, pour élever un enfant, ce n’est pas possible d’être seule, et lorsque cela est le cas, c’est une vraie torture. Ce n'est ni bon pour le parent, ni bon pour l’enfant.
"J'ai le cas de parents qui craignent que leur fils devienne addicte aux jeux vidéos"
AMD : Comment se déroule un accompagnement ?
AB : Je me mets à côté des gens. Cela veut dire que je ne leur donne pas les clés. C’est à eux de les trouver. Pour y parvenir, mon rôle est de les questionner et on parle de leur projet. Si je leur donnais une aide, cela signifierait que je fais le travail à leur place. Je ne fais absolument rien à leur place parce que j’ai autant de familles que de projets. J’accompagne des gens à atteindre la vie qu’ils souhaitent vivre au sein de leur famille. Avant de me rencontrer, ils ont fait un constat. Ils sont conscients qu’ils sont en difficulté, pour certains, proches d’une déscolarisation, d’une rupture, d’une tentative de suicide. Dans de nombreux cas, il y a toujours la peur qu’il arrive quelque chose de grave derrière. Et aujourd’hui, je suis un peu pressentie par les familles comme étant leur dernière chance.
AMD : Ont-ils essayé d’autres méthodes avant de vous voir ?
AB : La plupart du temps, les personnes en ont parlé à leur médecin traitant, ont vu un psychologue, une énergéticienne, ont parfois procédé à l’hypnose. Tout cela m’indique qu’elles sont dans la volonté d’un changement. Si cette volonté est absente, je reporte le rendez-vous ou je les invite à faire d’autres actions avant de les accompagner. Mais contrairement aux autres professionnels spécialistes dans domaine précis, nous nous concentrons sur tout ce qui englobe leur vie de famille, ce qui prend beaucoup de temps. Il faut qu’ils aient également la capacité de livrer à une seule personne ce qu’il se vit chez eux, en évoquant leur vie personnelle, leur vie intime, et enfin qu’ils soient en capacité de tout remettre en question.
AMD : Travaillez-vous seule ou avec l’aide de spécialistes ?
AB : Il m’arrive de travailler avec une micro-nutritionniste. Par exemple, nous allons voir comment fonctionnent les neurotransmetteurs d’un petit garçon qui a des troubles du comportement. Et c’est là que l’on se rend compte qu’il est en carence d’iode qui crée des troubles autistiques. Une fois que cela est constaté, on peut mettre au travail différentes techniques, proposer des solutions et on avance petit à petit. Même si à leurs yeux je parais être leur dernière chance, en fait, la dernière chance, ce sont eux-mêmes.
AMD : Quels sont les problèmes les plus récurrents sur lesquels vous accompagnez les familles ?
AB : Je n’ai pas de réponse précise à cette question car en fait les gens appellent pour une raison qui n’est jamais le fond du problème. J’ai le cas de parents qui m’ont contacté parce qu'ils craignent que leur fils devienne addicte aux jeux vidéo. Alors qu’il a 13 ans, ils sont obligés de lui couper le wifi, de lui arracher la souris des mains, de le menacer alors qu’ils sont dans un projet de vie tout inverse. Ils se retrouvent avoir des comportements qui sont aux antipodes de ce qu’ils aimeraient pratiquer. Mais il s’avère que le problème n’est absolument pas les jeux vidéo, c'est la place et les rôles de chacun au sein de cette famille. Une fois que cela sera réglé, les jeux vidéo ne seront qu’un vieux souvenir.
AMD : Et pour les couples qui n’ont pas d’enfants ?
AB : C’est souvent en lien avec un dysfonctionnement avec un membre de la famille, comme par exemple les problèmes relationnels entre une jeune femme et sa mère. La fille n’arrive pas à se révéler en tant que femme, elle a des difficultés à avoir un enfant. Ce sont plutôt des situations compliquées entre personnes, rarement d'ordre financier même si j’ai des personnes addictes aux jeux.
AMD : Vous parlez souvent d’engagement. Ils durent combien de temps ?
AB : Oui, et cet engagement est mutuel car on le fait ensemble. Dès le début de l’accompagnement, tout semble bien aller car les gens sont soulagés d’avoir demandé de l’aide. Ils se sentent déculpabilisés, ils n'ont plus l'impression d'être seuls. Cela a pour effet d’apporter rapidement des changements autour d’eux. Mais ces premiers résultats ne règlent pas le fond du problème. Les accompagnements durent au minimum trois mois. Parmi les familles que j’accompagne, il y en a une que je vois depuis un an. Mais ça fait trois séances que je prépare la fin de l’accompagnement. Il ne m'est pas possible de mettre un terme à mon travail tant que je ne suis pas certaine que le résultat attendu soit atteint.
AMD : Est-ce que la relation entre ces personnes et vous évolue avec le temps ?
AB : Je sens que certaines personnes ont envie d'installer une relation amicale. Il m’arrive de tutoyer certaines d’entre elles. La relation est humaine et pas seulement professionnelle. Nous sommes dans le partage et je donne aussi. Les gens me posent des questions sur ma vie car ils ont l’impression que j’ai une faculté de résilience qu’ils n’atteindront jamais. Ils apprennent alors que j’ai mes propres difficultés. Finalement, je suis dans un rapport d’égal à égal.
AMD : Pour finir, comment les choses se passent si quelqu’un a besoin d’un accompagnement ?
AB : La personne me contacte et nous fixons un rendez-vous. Avant de l’accueillir, il y a un deuxième appel téléphonique qui lui permet de dire des choses qu’elle ne serait peut-être pas en mesure de me dévoiler lors de la première rencontre. J’évalue alors si j'ai la capacité d’accompagner les gens. Il y a une question de feeling, mais aussi d’histoire. Il faut que je comprenne ce que la personne a vécu. Autre point, je n’accompagne que dix familles simultanément afin de faire le travail correctement. Le temps que je leur consacre me permet d’avoir aussi du temps pour moi et pour ma famille.
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